Un zoo dans la tête

Photo One Voice

Depuis le 1er janvier 2013, Israël devait interdire toute l’importation et vente de produits cosmétiques (mais aussi les détergents) testés sur des animaux. Néanmoins, comme le gouvernement n’a pas rédigé les règles précises de commercialisation sur cette loi votée en 2010, elle ne s’applique pas réellement. De la sorte, les groupes cosmétiques, tels que notre géant français L’Oréal, ne devraient pas voir leurs énormes bénéfices écornés. Et ils pourront continuer à vendre tranquillement à Tel Aviv leurs crèmes et autres rouges à lèvres infligés pendant des mois à des milliers d’animaux dans des parties de leur corps où ils n’ont rien à faire et où, justement, ils ne leur font pas du bien.

Des règles qui peinent à s’imposer dans les labos

Dans le même temps, l’Europe vient enfin de mettre en oeuvre une directive de 2009 interdisant la commercialisation de tout nouveau produit cosmétique testé sur les animaux.  Et ce, malgré les plaintes répétées de la fédération européenne des entreprises de cosmétique. Et au fait que pour certains cas, les méthodes alternatives n’assurent pas encore toute la fiabilité. Mais cette interdiction devrait inciter les chercheurs à mettre au point de nouvelles techniques. Des techniques qui pourront aller au delà des tests de toxicité sur les cultures cellulaires.

Il faut dire que dans ce domaine, les règles ont bien du mal à aboutir. Après des décennies de parfaite opacité sur les pratiques, la législation a évolué. Sous la pression des défenseurs de la cause animale et les témoignages d’anciens laborantins écœurés, les unités de tests ont dû commencer à nettoyer un peu leurs paillasses. Depuis 2010, une directive du Parlement européen impose une amélioration des conditions de vie des cobayes, en cosmétiques comme en pharmacie ou en recherche médicale. Les animaux doivent être détenus dans des cages assez grandes. Et les expérimentateurs sont censés limiter leur douleur au strict minimum et ne pas leur faire mal deux fois de suite en peu de temps. En principe, ils sont anesthésiés en cas d’opération et ont droit à des médicaments anti douleur.

Mais quasiment aucun contrôle n’est effectué sur l’application de ces règles. Les contraintes budgétaires des entreprises laissent aisément imaginer que les anti-douleurs restent dans les placards et que les anesthésies sont en option. Et ce qui est encore presque plus choquant, c’est que la souffrance des animaux semble occultée par ceux qui les utilisent. Ils les ont d’ailleurs rebaptisés du doux euphémisme de « matériel biologique ». Peut-être pour être sûrs de ne pas s’y attacher. Une vraie prise de conscience leur poserait-elle des problèmes pour justifier leurs pratiques au regard de leur propre humanité ?

 

Photo du site ACMSA

La nouvelle génération dope les alternatives

Aujourd’hui, l’expérimentation de différents produits sur les animaux est un débat qui monte. En France, deux millions d’animaux servent de cobayes et 85% d’entre eux sont des souris et des rats. Dans les laboratoires, on trouve aussi des lapins, des chiens, des chats, des cochons et des moutons ou encore des singes. De plus en plus de scientifiques dénoncent ce recours systématique aux animaux, alors que des techniques alternatives donnent de bons résultats. La culture cellulaire produit des « morceaux » d’humain. Des tissus qui permettent d’expérimenter en s’assurant que ce qui marche est valable sur les hommes. Car l’expérimentation animale n’est pas toujours utile. Une étude menée sur 50 produits et médicaments a montré que ces tests ne sont fiables sur l’homme qu’à 65%. Du coup, des mois d’expérimentation finissent à la poubelle : les animaux ont souffert pour rien. Heureusement, sous la pression de quelques jeunes chercheurs, les techniques alternatives se développent enfin (voir ci-dessous).

Les lobbys pro vivisection s’accrochent

Pourtant, de nombreux chercheurs de la vieille école s’accrochent encore à l’expérimentation animale. Ils l’évoquent comme un « mal nécessaire » et refusent d’explorer des pistes alternatives. Sans les accuser d’un crypto-sadisme qui leur permettrait de torturer légalement des êtres sans défense pour se défouler, je m’étonne de cette absence de curiosité scientifique pour les nouvelles techniques. Lorsqu’elle émane d’organismes tels que le Gircor (Groupe interprofessionnel de réflexion et de communication sur la recherche) dont la majorité des chercheurs travaillent pour des labos pharmaceutiques, on peut aisément imaginer que le conflit d’intérêt nourrit l’absence d’objectivité. Ceux qui travaillent pour Sanofi ou Pfizer ne vont pas priver leurs employeurs de leurs précieux cobayes. Mais pour les autres… Bref, si le débat secoue l’opinion publique, la France ne semble pas prête à avancer. Elle fait beaucoup moins bien que la Belgique qui publie des statistiques sur le nombre d’animaux testés (en réduction) ou la Suisse qui développe d’autres moyens d’expérimentation. Moins bien aussi que l’Italie où l’on commence à fermer les élevages de chiens de laboratoire pour se mettre en conformité avec les règles européennes et après avoir constaté que les beagles étaient illégalement vendus à l’industrie cosmétique.

A la recherche des labels anti vivisection

Pour en revenir à la cosmétique, l’une des pratiques les plus courantes consiste à introduire les crèmes de beauté et autres rouges à lèvre dans les yeux de lapins. Mais aussi sur des plaies qu’on leur inflige pour voir jusqu’à quel point le produit aggrave les blessures. En Europe, les tests de cosmétiques sur des animaux devaient être interdits en 2013. Mais les lobbys industriels ont apparemment réussi à faire repousser cette mesure. Aujourd’hui, certains labels comme Cosmebio ou Human Cosmetics Standard garantissent des produits cosmétiques non testés sur des animaux. L’association One Voice possède aussi un moteur de recherche en ligne qui permet de savoir si le produit qu’on utilise a été ou non testé sur des lapins. Mais ces produits, comme ceux du fabriquant français Caudalie ou de l’Anglais Lush, sont encore assez confidentiels et peu nombreux. Yves Rocher et L’Occitane qui les avaient obtenus les ont finalement perdus en 2012. Il faudra donc un vrai mouvement de consommateurs pour que les grands groupes s’y mettent.

 

Une alternative prometteuse

En Suisse, un dispositif expérimental baptisé InLiveToxa été mis au point pour reproduire certains organes et la circulation sanguine. Les chercheurs peuvent ainsi tester l’effet de leurs produits sur des cellules humaines et observer comment l’estomac ou le foie réagissent à leur contact. Un dispositif bien plus fiable que les expérimentations animales car, comme on s’en doute, un organisme de rat ou de lapin ne réagit pas forcément comme celui d’un humain. De fait, de très nombreux tests sont totalement inutiles.

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