Avec son livre « No steak », Aymeric Caron vient de répertorier toutes les conséquences désastreuses d’un élevage industriel ne jurant plus que par ses marges. Dans son enquête journalistique bien menée, il lève notamment le voile sur les conditions de vie des animaux dans les usines à viande et les procédures qui les mènent à la mort avant de les conduire en morceaux dans les rayons de la grande distribution. Après la lecture de son livre, on ne regarde plus la barquette de filet de bœuf ou de côtes de porc de la même façon. En imaginant ces animaux entassés, pendant des mois, dans des espaces particulièrement exigus et égorgés dans des conditions déplorables, difficile de garder l’appétit. Si l’on ne souhaite pas participer à ces pratiques totalement étrangères à toute notion de respect (hors celui des marges financières et des règles sanitaires peut-être…), difficile de continuer à manger son steak sans se poser de questions. En songeant à l’aberration économique et écologique de l’élevage, comment résister à la tentation d’accuser la fédération française des éleveurs d’attentat à la santé de la planète ?
L’industrie de la viande est, il est vrai, un bien triste business. Hormis quelques établissements qui donnent aux animaux des espaces suffisants pour courir et des conditions de vie décentes, la majorité de ces usines à viande donnent envie de s’enfuir en courant. Elles laissent facilement imaginer le stress et l’angoisse des animaux qui y passent quelques mois de cauchemar avant d’être abattus. Pourtant, le consommateur français reste encore peu curieux des conditions d’élevage. Il ne sait pas et surtout, il ne tient pas à savoir si les animaux dont il consomme la viande ont été bien traités et mis à mort sans trop de souffrance. Il ne semble pas s’inquiéter du fait que la viande de son rôti soit celle d’un être qui a transpiré le stress et le désespoir tout au long de sa courte vie. Comme souvent dans le registre de la protection animale, le consommateur français est en retard sur ses voisins européens.
Des Allemands plus sensible au goût du bien-être
En Allemagne, par exemple, le bien-être des animaux d’élevage est devenu un argument de vente très efficace. En découvrant la réalité des poules pondeuses en batterie et des truies d’élevage industriel coincées dans des cages à peine plus grandes qu’elles, les consommateurs allemands n’ont pas digéré leurs charcuteries. Apprendre que les jeunes porcelets étaient castrés à vif sous prétexte que leurs hormones risquent de donner un mauvais goût à la viande ne les a pas amusés du tout. Et j’avoue que je les comprends. Aujourd’hui près de neuf Allemands sur dix affirment attacher de l’importance au sort réservé aux animaux d’élevage lors de leurs achats. Confirmation : 25 000 manifestants se sont réunis dans la capitale allemande, début janvier, afin de dénoncer les souffrances animales, l’emploi croissant d’antibiotiques et les dégâts écologiques provoqués par l’élevage intensif.
Label ou la bête
Depuis ce même début d’année 2013, deux labels s’affichent dans les étals de viande et les rayons des supermarchés outre Rhin. Ils ont été développés par la fédération allemande de protection des animaux et l’association de défense Vier Pfoten, avec l’aide du ministère de l’Agriculture allemand. Ils garantissent que la viande provient d’élevages respectueux d’un minimum de confort pour leurs animaux. Ces labels vérifient l’espace dont ils disposent, l’état de leurs étables, les conditions d’anesthésie en cas de castration ou encore le temps de transport jusqu’à l’abattoir.
Cela n’empêche pas les producteurs allemands de porcs de dénoncer, comme leurs homologues français, la nouvelle règlementation européenne qui impose un peu moins de barbarie dans l’élevage des truies. Avec cette nouvelle règle, elles auront le droit de sortir de leur cage de temps en temps pour retrouver d’autres truies dans un enclos. Un « luxe » qui fait pousser des cris d’orfraie à la fédération allemande des agriculteurs. Comme l’affirme son patron Joachim Rukwied : «Le haut niveau de rendement de notre élevage ne serait pas possible si les animaux ne se sentaient pas bien ». Une affirmation qui laisse pantois les vétérinaires : le rendement de viande de ces élevages est essentiellement lié aux hormones et au type d’alimentation fourni. Car un animal qui se sent bien à tendance à manger seulement à sa faim. Comme les humains, quand les cochons sont à l’aise sur leurs pattes, ils ne passent pas leur temps à se goinfrer. Si l’on avait mauvais esprit, on pourrait presque imaginer que ce monsieur nous prend pour des gogos. Mais comme je suis quand même positive, je préfère penser qu’il ne connaît tout simplement rien au sujet.
En France, deux labels visent à garantir à peu près des conditions d’élevages respectueuse du bien être des animaux de ferme. Il s’agit du label rouge et du label bio. Le premier définit les conditions d’élevage et d’alimentation des animaux par espèce comme pour les poulets du Périgord ou les blondes d’Aquitaine. Le second est moins exigeant que le premier sur les conditions d’élevage et dénoncé par certaines associations comme étant essentiellement axé sur l’absence de produits antibiotiques et chimiques dans la viande.