Cet été 2012, certains citadins n’auront pas besoin de prendre le train pour se mettre au vert. Depuis un an, Paris et ses environs prennent parfois des allures de campagne au détour des rues et des maisons. Avec la mode des poules domestiques installées dans les cours privées des immeubles, l’Ile-de-France résonne de « gloussements de clocher ». Outre leurs doux caquètements, les gallinacées permettent à leurs heureux propriétaires de récolter un œuf par poule tous les matins garanti frais et naturel. Et de profiter aussi d’une présence animale devenue sacrément exotique.
Depuis deux ans, l’élevage de poules en ville gagne du terrain. Les jardineries Truffaut ont vendu plus de 20.000 poussins et poules pondeuses ou d’ornement à des particuliers en 2011, surtout en ville et dans les zones péri urbaines. Avec un prix variant entre 13 et 25 € par poule, le marché est porteur. Les distributeurs proposent même une large gamme d’accessoires qui va du mélange de graines enrichi en vitamines jusqu’à la maison à poule design, en passant par le guide pratique.
Les vendeurs ont leur avis sur le phénomène : « Les clients opèrent comme un retour à la terre et cherchent une alimentation plus naturelle, loin des histoires de farine animales, d’élevage industriel et d’OGM. Dans leur jardin, ils savent comment sont nourries et traitées les poules et ont vraiment plaisir à récolter des œufs.»
Elever des poules en ville nécessite un minimum d’espace. Un jardin ou une cour sont indispensables, une poule serait trop à l’étroit et privée de possibilité de gratter le sol sur un balcon. Elle a également besoin d’une petite maison pour s’abriter, d’un perchoir et d’un nid pour pondre. En France, la réglementation autorise les basses-cours citadines car les poules en petit nombre sont considérées comme des animaux domestiques. Néanmoins, certains règlements municipaux ou de copropriété peuvent opposer leur veto à l’installation de ces jolies cocottes. Quant aux coqs, ils ne sont pas nécessaires à la ponte des poules et leurs réveils tonitruants donnent lieu à des plaintes pour nuisance sonore. Ils sont donc à éviter.
La poule domestique présente donc l’avantage de faire « campagne » en ville et de donner des œufs, mais pas seulement. Dans la fonction animal de compagnie, la poule est réputée peu farouche. D’après les témoignages d’heureux propriétaires sur les forums spécialisés comme Plumage, elle, se laisse facilement caresser pour peu qu’on lui propose quelque chose à manger. Mais elle contribue aussi à un petit renouveau du dynamisme économique français. Avec cette nouvelle mode bobo qui nous vient des Etats-Unis et du Canada, certains designers ont a débridé leur imagination. Sur le marché, on trouve de très jolies maisons à poule autour de 200 € pièce qui font du meilleur effet dans une cour intérieure ou dans le coin du jardin. Dans un style assez classique, Eco poules fabrique des nichoirs en kit modulable pur bois recyclable, qui ressemblent à des petits chalets sur pilotis. Plus citadine et branchée, Pousse créative a enrichi sa gamme de niches super design avec des poulaillers cosy avec lignes « origami » et toit végétal. Et pour faciliter l’entretien de la basse cour de poche, les concepteurs multiplient les astuces comme les tiroirs à litière pour un nettoyage rapide. Car si le léger gloussement amuse le citadin, l’odeur du poulailler en ville est franchement rebutante. Sur le sujet, les adeptes qui postent sur les forums sont catégoriques : avec un petit ramassage des fiente tous les deux jours et bon nettoyage hebdomadaire, l’installation est inodore.
Dernier point de questionnement, la poule citadine est-elle un investissement rentable au vu de sa production (250 à 300 œufs par an et par gallinacé) ? Sur le sujet, les vendeurs de poules sont clairs : il ne s’agit pas d’un modèle économique. Qu’il soit design ou en carton bricolé, aucun poulailler citadin ne pourra jamais rivaliser avec les batteries industrielles de nos contrées qui enferment leurs poules dans des cages minuscules empilées les unes sur les autres et les nourrissent à la machine. Mais si les heureux propriétaires de poules dépensent plus qu’ils ne gagnent en collecte d’œufs, leur choix possède un autre avantage : un recyclage 100 % naturel d’une bonne partie des poubelles maison. Car un gallinacée consomme un poids non négligeable de déchets organiques : jusqu’à 200kg par an. Enfin, tous les vendeurs vous le diront, les poules sont grégaires et aiment vivre en groupe. Et s’il faut de tout pour faire un monde, il suffit de trois poules pour faire un groupe.
Les poules de Lannion
En 2013, la mairie de Lannion (Côtes-d’Armor) a proposé à ses habitants d’adopter gratuitement une poule à l’occasion de la Semaine du développement durable. Comme la distribution des poules a été annoncée le 1er mai, de nombreuses personnes ont pensé qu’il s’agissait d’une blague. Mais face aux plus de 500 candidatures reçues, la mairie qui avait prévu de distribuer 40 poules a accepté d’en acheter 22 de plus. Ainsi, 62 familles de Lannion hébergent depuis le printemps leur poule pondeuse et municipale.