Sur l’île de Java, l’orang-outan Tori vient de quitter la cage de son zoo de Taru Jurug pour raison de santé. Accro à la cigarette, cette femelle commençait à souffrir de son tabagisme. Début août, elle a été placée sur un petit îlot entouré d’un lac avec son compagnon Didik. Loin des visiteurs qui lui jetaient des clopes allumées pour s’amuser à la voir fumer, elle réapprend peu à peu à vivre sans tabac. Et une semaine après cette installation, les premières observations sont très encourageantes.
Tori est tabagique depuis déjà dix ans. Alors que 60% des Indonésiens fument, les zoos doivent faire face à des négligences systématiques. Même si cela est interdit, les visiteurs sont nombreux à proposer des cigarettes allumées aux animaux pour voir s’ils en ont envie. Avec les chimpanzés et les orangs-outans, le mimétisme mène au tabagisme. En se mettant à tirer sur la clope comme les humains, certains deviennent accros. Et quand les visiteurs passent, ces singes intoxiqués réclament de nouvelles cigarettes en mettant deux doigts tendus devant leur bouche. Cela fait beaucoup rire les fumeurs et ils récoltent ainsi leur dose de nicotine. Au grand dam des gardiens et des soigneurs qui connaissent les méfaits du tabac sur les organismes des animaux.
Alors qu’elle a aujourd’hui treize ans, Tori a commencé à fumer à l’âge tendre de trois ans. Mais c’est assez récemment que sa dépendance est devenue flagrante et que ses soigneurs ont décidé d’entreprendre un sevrage. Tout d’abord le zoo a renforcé la surveillance de la cage et chaque cigarette jetée a été éteinte par un jet d’eau. Mais comme il n’était pas possible de mettre un gardien à plein temps, il a fallu envisager d’autres solutions. Tori a ainsi connu des régimes, diverses distractions et jeux de cache-cache pour lui faire penser à autre choses et même des punitions. En vain. Elle continuait à réclamer une cigarette et à s’énerver quand elle n’en récoltait pas.
L’action de la nicotine sur les primates est bien connue des scientifiques. Depuis plus de trente ans, les fabricants de cigarettes étudient l’effet de leurs produits sur différents animaux comme les macaques, les chimpanzés ou les chiens. Les études montrent qu’ils sont aussi toxiques pour les singes que pour les humains à une différence près : plus les animaux sont petits et plus les dommages sont rapides. En fumant, ils voient leur fréquence cardiaque s’accélérer, leur pression sanguine augmenter, leur organisme stimulé, mais avec une impression d’apaisement qui entraîne la dépendance. Néanmoins, comme chez les humains, tous les singes ne sont pas sensibles au tabac. Certains ne deviennent jamais des fumeurs comme le compagnon de Tori, qui a toujours renvoyé leurs mégots aux visiteurs.
L’ONG Centre for Orangutan Protection (COP) a participé à la relocalisation de Tori loin des tentations tabagiques. Cette organisation est partenaire de différents zoos indonésiens pour l’amélioration des conditions de vie des grands singes en captivité. Il faut dire que les orangs-outans doivent quand même pas mal s’ennuyer dans leurs cages. A Paris, les gardiens du Jardin des plantes ont dû inventer des jeux pour stimuler une grande femelle qui déprimait. Et dans le zoo de Milwaukee, au nord des Etats-Unis, les orangs-outans s’amusent désormais régulièrement avec des iPads pour retrouver le moral. Ils ont rapidement compris le principe de l’écran tactile, font de la musique ou du dessin et s’ennuient beaucoup moins.
En Indonésie, les visiteurs fumeurs ont trouvé leur manière d’occuper les grands singes tout en pimentant le spectacle. Après leur avoir jeté leur mégot, ils s’amusent à prendre des photos des orangs-outans la clope au bec. Une pratique qui peut paraître amusante mais se révèle pourtant toxique et dangereuse pour les animaux. Peut-être ces visiteurs estiment-ils qu’il n’y a pas de raisons pour qu’ils soient les seuls à se déglinguer la santé tout en enrichissant les multinationales de l’industrie du tabac.
En Malaisie, l’orang-outan Shirley est également une grande intoxiquée du tabac
Orang outan fumeur par stanboost–