Un zoo dans la tête

Toute personne vivant avec un chien ou un chat domestique l’aura observé : la plupart de nos animaux de compagnie sont plus intéressés par le contenu de nos assiettes que par celui de leurs gamelles. A moins de les nourrir de boîtes hors de prix enrichies en arômes de synthèse, on constate rapidement que le régime que nous leur imposons les tente moins que celui que nous nous accordons.

En ce début d’année, l’animalerie en ligne «Pet avenue» a décidé d’associer la gourmandise des chiens à la sollicitude de ceux qui s’en occupent. Le concept est simple : un site de recettes de cuisine spécial toutou, adaptées à leurs besoins nutritionnels, avec un nom qui va bien : babines.com. Dans son communiqué de presse, « Pet avenue » est formel : «Aujourd’hui, près de la moitié des maîtres donne une alimentation maison à leur chien.» Sans révéler l’origine de cette statistique inédite, le principe évoquera forcément à tout compagnon de chien ou de chat des scènes dans lesquelles leur animal préféré se délecte du fond d’un plat ou des restes de la cuisine.

Car il faut bien le dire, les croquettes, ça ne fait pas très envie même en biscuit apéritif et après quelques verres. De là à mitonner des petits plats pour mon chat, j’avoue être restée un peu dubitative. En même temps, je me reconnais mauvaise conscience en m’imaginant devant un bar de ligne cuisant au four pendant que Gaston se contente de viande lyophilisée et agglomérée avec des farines et autres fibres de légumes censées améliorer son transit intestinal. A ce moment là, il m’apparaît finalement assez logique que certains préfèrent préparer eux-mêmes ce qu’ils donnent à leurs animaux domestiques, surtout s’ils en ont le temps.

Au menu de babines.com, on découvre des recettes canines dignes de nos livres de cuisine. Les muffins au fromage râpé et au bœuf agrémentés de pommes de terre sucrées m’ont bien l’air un peu bourratifs. Les nouilles au poulet avec des petits pois et une sauce béchamel risquent de se révéler un peu fades. Quant aux biscuits à la vanille avec des farines de seigle et de maïs, ils font franchement too much. Mais les recettes des internautes relèvent d’autres arômes comme les biscuits à la sardine ou ce gâteau d’anniversaire pour chien associant dinde hachée, carottes, épinards, riz brun et œufs durs… A la lecture, j’avoue m’être demandée si je goûterais moi-même ces plats pour chiens. Et en quoi nos besoins nutritionnels sont différents.

 

Bien sûr, certains ne manqueront pas de s’écrier qu’il est honteux de mitonner des petits plats pour son chien, alors que certains humains n’ont rien à manger. D’une part, nourrir son chien correctement n’a jamais empêché quiconque de faire preuve de générosité avec ses concitoyens et de verser des dons à des associations humanitaires. Sauf preuve du contraire. D’autre par, je reverrai ces révoltés de la sollicitude animale à l’intéressant concept du spécisme (1). Si le raciste entend privilégier les humains de sa propre race, si le sexiste tient à favoriser ceux de son propre sexe, le spéciste  discriminera tout être vivants à la faveur de celui de sa propre espèce. En bref, l’humain est plus important que tout animal sans besoin d’aucune justification. Affirmer qu’il vaut mieux nourrir un humain, même si on ne le connaît pas, plutôt que son compagnon à quatre pattes avec qui on vit depuis des mois ou des années… Voilà qui mériterait, à n’en pas, douter un sacré débat de fond !

 

(1) – La notion de spécisme est apparue dans les débats philosophiques menés autour de l’éthique animale. L’antispécisme réfléchit aux raisons qui conduisent les humains à estimer que les animaux ont moins d’importance que les hommes et qu’il n’y a aucune raison à les traiter avec autant d’égards.

 

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