Un zoo dans la tête

crédit dessin : JLA

Depuis le 1er juillet 2012, la production et la vente de foie gras sont interdites dans l’Etat de Californie, aux Etats-Unis. L’interdiction relève d’une loi votée en 2004 pour lutter contre le gavage des canards et des oies, jugé cruel et peu digne de l’espèce humaine. Pendant huit ans, les producteurs locaux ont d’ailleurs été incités à trouver d’autres moyens d’engraisser leurs volailles sans douleur, avec le soutien de subventions d’Etat. Mais rien n’a été fait.

Aujourd’hui, les restaurateurs californiens s’indignent de cette décision. L’unique producteur subsistant encore dans l’Etat, Guillermo Gonzalez, va devoir fermer son entreprise. Le chef français Patrick Farjas, directeur de l’Association des restaurants du Golden Gate, n’a pas été le dernier à s’indigner. Il a reconnu dans les du quotidien Sud-Ouest avoir approché les lobbyistes du Capitole (le parlement californien) pour tenter de faire changer la loi. Mais ces interventions sont restées sans effet. Alors que l’ancien parlementaire californien John Burton, à l’origine de l’interdiction, compare le gavage à la torture, la loi est largement soutenue par les Californiens.

Autre intervention poussée par les promoteurs locaux du foie gras, le discours vétérinaire a également échoué à convaincre. Avec le soutien de ces praticiens, les éleveurs ont fait valoir que le tube utilisé pour le gavage était très souple et qu’il ne faisait pas souffrir les animaux. Ils ne sont pas allés jusqu’à prétendre que l’exercice était une partie de plaisir pour les palmipèdes, mais presque. Par contre, pas un mot sur les douleurs provoquées par cette alimentation trop riche qui entraîne une cirrhose du foie pour le canard ou l’oie. Ces professionnels n’ont sans doute jamais abusé de la bonne chère et n’imaginent pas les souffrances d’une sérieuse crise de foie.

Aux Etats-Unis, le boycott du foie gras n’en est pas à sa première heure. Déjà, en 2006, le Conseil municipal de Chicago avait interdit sa vente par un arrêté. Mais celui-ci n’avait pas été respecté par de nombreux chefs et, en 2008, la mesure avait été annulée. En France, ce nouvel interdit américain n’aura presque pas de conséquences économiques au vu du volume des exportations vers la Californie. Néanmoins, les producteurs de foie gras ont monté une véritable coalition la semaine dernière  pour dénoncer cette nouvelle loi qui jette une ombre sur l’un des plus beaux fleurons de la gastronomie française. Ils dénoncent une nouvelle forme de prohibition et évoquent, comme on l’entend souvent, la méconnaissance du grand public sur l’impact réel du gavage. Ainsi, pour l’Expansion, Marie-Pierre Pé, déléguée générale du Comité interprofessionnel du foie gras (CIFOG) : « On ne peut pas laisser dire et faire sans se révolter car nous respectons la physiologie de l’animal », Pourtant, selon l’association de protection animale L214, « la majeure partie du foie gras continue à être produite en France par des oiseaux gavés en cages individuelles, alors que celles-ci sont interdites dans l’Union européenne depuis le 1er janvier 2011

« . Des cages minuscules dans lesquelles les palmipèdes ne peuvent effectuer aucun mouvement. Dans ces cellules, ils sont gavés pendant quinze jours par des machines et non plus « à la main » comme cela se faisait à l’origine (comme l’explique ce site touristique de promotion gasconne). Selon L214, seuls 20% des élevages français labellisés respecteraient l’interdiction de l’Union européenne. La surenchère productive et les intérêts économiques de l’industrialisation des process gangrènent décidément tous les segments de l’alimentation.

La prochaine fois que je verrai un morceau de foie gras dans mon assiette, l’image de ce canard coincé dans une cage minuscule avec un entonnoir enfoncé dans l’œsophage me flanquera sûrement un sacré mal au cœur.

 

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Des canards en cage. Image de l’association L214

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