Un zoo dans la tête

En France, douze mammifères et six oiseaux sont susceptibles d’être classés nuisibles. Leurs torts sont divers : être trop nombreux, détruire les habitats d’autres mammifères ou oiseaux, piquer une partie des récoltes des agriculteurs, faire des vilains trous là où il ne faut pas, s’attaquer aux poulaillers des éleveurs… En bref, ils sont accusés de « causer des dommages aux activités agricoles, forestières et aquacoles » dans le texte.
Les animaux pouvant être « nuisibles » sont répertoriés dans une liste de dix-huit noms dressée le 30 septembre 1988. Mais une partie d’entre eux seulement risque de se retrouver traquée dans le Vercors ou la baie de Somme pendant les douze mois de la saison nuisible.
Chaque été, le ministre chargé de la chasse retient parmi cette liste, le nom des espèces susceptibles d’être étiquetées. Et ce, sur avis du Conseil national de la chasse et de la faune. Et parmi ces espèces à exterminer de toute urgence, les préfets peuvent ou non déclarer que la martre, le raton laveur ou l’étourneau sansonnet sont indésirables sur leurs départements. Forcément, si l’espèce concernée n’habite vraiment pas dans son coin, le préfet évitera de passer pour un con en la mentionnant.
Le classement d’un mammifère ou d’un oiseau en catégorie « nuisible » vise à protéger la flore et la faune selon le célèbre article R. 427-7 du Code de l’environnement. Parfois, c’est sans doute justifié. Mais comme on l’a vu, les principaux interlocuteurs de ce système de classement sont les chasseurs. Et selon de nombreuses associations de défense animale, ces derniers font surtout étiqueter « nuisibles » les espèces qui risquent de s’attaquer à leurs proies préférées.

Ainsi, les ragondins sont accusés de perturber les nids des canards. Quant aux ratons laveurs, avec leurs minois de cambrioleurs, ils sont accusés de mettre leur nez partout et de se servir dans les poulaillers des éleveurs sans demander. Sans parler Sans parler des renards qui apprécieraient un peu trop les jeunes perdrix, faisans, lièvres et lapins, tout droit sortis des élevages de gibier destiné à la chasse. Et donc réservés aux chasseurs à deux pattes. Dans la chaîne du classement en « nuisibles », les arguments sont rarement scientifiques. Quand on accuse les renards de propager la maladie appelée ecchinococcus, le raccourci est un peu rapide. Car l’ecchinococcus est  en fait un parasite qui se retrouve dans les selles des renards qui l’ont contracté (pas dans les urines), mais qui atteint aussi les chats et les chiens.

Lorsqu’ils sont classés comme « nuisibles » dans une zone géographique ou tout un département, les espèces peuvent être chassées et éliminées comme du gibier, quelle que soit la saison. La plupart des moyens de destruction sont autorisé : tir, empoisonnement, pièges… Le problème avec les pièges, c’est que l’on ne sait pas qui viendra se prendre une patte dans l’engin et souffrir de blessures, de soif et de peur pendant des heures. Mais comme doivent l’estimer les décideurs, la lutte contre les affreux nuisibles doit bien tolérer quelques dommages collatéraux. Heureusement, la loi n’est pas complètement barbare et elle précise que la mise à mort des animaux capturés doit intervenir immédiatement et sans souffrance. Quant à savoir si elle est bien appliquée…

Aujourd’hui, de nombreuses associations remettent en cause la pertinence même de la mesure visant à choisir les « nuisibles ». Avec la présence des organismes de chasseurs à toutes les étapes du classement, on peut se demander à qui nuisent réellement les ratons laveurs, renards, vison et autres sangliers. S’ils sont trop nombreux, par quel déséquilibre de la faune se multiplient-ils à ce point. Car quand les chasseurs tuent les renards, forcément, il y a plus de lièvres. Et enfin, en quoi leur destruction massive se justifie-t-elle.
Parce que sur le sujet, il y a quand même bien plus nuisible que les lapins de Garenne et les ragondins. L’espèce en question comptera bientôt 7 milliards d’individus sur la planète. Elle creuse des trous partout, rase la flore mieux qu’un nuage de crickets sur un champ de céréales, détruit l’habitat de plein d’autres espèces et chasse le gibier de plein de prédateurs. Pourtant, les chasseurs ne demandent jamais à ce que les humains soient ajoutés à cette liste des nuisibles. On se demande bien pourquoi ;)))

Espèces susceptibles d’être classées comme nuisibles :

Belette, chien viverrin, fouine, lapin de garenne, martre, putois, ragondin, rat musqué, raton laveur, renard, sanglier et vison d’Amérique
Corbeaux freux, corneille noire, étourneau sansonnet, geai des chênes, pie bavarde, pigeon ramier

0 commentaires
Laisser un message

© 2012 — Un zoo dans la tête. Tous droits réservés. Propulsé par Wordpress.

Design et réalisation :